C’était un midi, dans un restaurant du sud ouest rue François Miron à Paris, j’y avais convié Jean, dit John B. Root. Je l’avais contacté via LinkedIn et il avait aimablement répondu à ma sollicitation. Le soleil faisait honneur à cette journée et le restaurant avait ouvert sa salle sur la rue. J’arrive le premier et je m’installe à la table dressée pour deux.
J’avais à l’époque un projet à lui soumettre. Je voulais qu’il écrive des articles pour un blog sur l’amour et la sexualité en relation avec une application de rencontres basée sur l’événementiel, la rencontre physique à travers les loisirs, les passions…
J’avais préparé mon rendez-vous en parcourant par sérendipité l’internet et en particulier la page Wikipedia John B. Root. C’est vrai que Jean est bien connu pour son impressionnante filmographie en tant que réalisateur et producteur de pornos, mais peu de personnes savent qu’il a débuté dans l’écriture de livres, non pas comme Capucine sur l’érotisme, mais des livres pour la jeunesse ! C’est un créatif passionné qui sait s’adapter et qui sait écrire.
Il est arrivé à l’heure. Un homme svelte, 60 ans tout rond, le visage qui a trop arboré la cigarette mais qui respire la gentillesse. Il avait son petit chien avec lui. La tenancière, haute en couleur, est venue à notre table nous énumérer ce que le chef avait concocté pour le déjeuner. Bien sûr, la conversation inclue le chien qui avait eu le droit de cité au sein du resto. il aura même droit a sa tranche de jambon de pays… Nous avons fini par prendre commande et commencer à nous présenter.
Je voulais surtout connaître ce personnage incontournable dans le monde du X qui a réalisé de nombreux opus pour Canal +, Dorsel, Jacquie et Michel…
En fait, il n’a rien dit sur sa carrière, les tournages, les stars du X… Non, il a simplement parlé de sa situation, du tournant de cette l’industrie. Et pour cause, l’âge d’or du X est bien révolu et le faste en a pris un coup avec les YouPorn et autre PornHub. Il se bat pour faire valoir ses droits auprès de ces aspirateurs de contenus gratuits. Les plateformes de peer to peer avaient déjà mis à mal la monétisation de son travail. C’est un homme qui a eu beaucoup de succès qui essaie de vivre de ce qui sait faire le mieux, de sa passion: le sexe. Il va même jusqu’à faire un tableau peu reluisant de sa situation, l’abandon de sa villa au Cap D’Agde, son petit appartement dans le 11ème arrondissement de Paris d’où il tourne certaines scènes et fait le montage de ses films. Il est même allé jusqu’à me conter sa dernière mésaventures avec une fille de son réseau dont il a payé les services pour passer un bon moment et qui lui a dérobé son portefeuille durant la douche. Malgré tous les fantasmes que l’on peut imaginer autour de lui, c’est immanquablement un homme accessible et simple qui aime les autres. Son objectif est juste de faire plaisir et d’en vivre.
Le projet ne s’est pas concrétisé comme je le voulais, j’aurai beaucoup aimé travailler avec cet homme iconoclaste qui aurait apporté une belle touche d’originalité au projet.
Cette petite anecdote dans ma quête de fantaisie au milieu de ce monde si dur sur de nombreux aspects, permet de montrer une des facettes des ressources à disposition pour notre plaisir. Et quelle ressource ! J’écris sur les BD, les livres, les pièces de théâtres et autres performances… Mais le film porno est de loin le plus populaire et accessible (30% du trafic internet, 87% des hommes et 29% des femmes en consomment). C’est aujourd’hui l’oeuvre la moins rémunératrice et cela a des conséquences dramatiques sur les conditions de travail des actrices, principalement. On pourrait parler des bienfaits du porno éthique sur la santé, l’éducation… Faut-il qu’il soit remboursé par la sécu ? 🙂