Toutes des salopes ou comment faire d’une insulte un étendard féministe. Adeline Anfray s’interroge avec l’aide d’un certain nombre de compagnons de réflexions sur ce terme si évocateur et tant utilisé sur divers tons. Nous l’avons tous entendu, dit ou pensé. Cet essais est plutôt convainquant. Elle montre bien le caractère libéré et assumé de cette femme qui jouit de la vie à pleines dents: autonome financièrement, cultivée, jolie, sûre d’elle, provocante, tout lui réussi ! Il suffit de fermer les yeux et vous allez en trouver à foison.
Je pense malgré tout qu’il ne s’agit pas de la même salope que celle qui fait le trottoir et qui est, au final, tout le contraire. Le ton est bien différent. Il est bien moins joyeux et enviable. L’argumentaire d’Adeline peint avant tout la salope qui tient le haut du pavé. Celle qui fait un doigt d’honneur à ceux qui ne cadrent pas avec son affranchissement.
La salope n’est rien sans son salaud. Ici le masculin n’a pas du tout la même signification. Mais on va dire il s’agit de l’écho à tous ceux qui ne supporte pas cette liberté exacerbée. C’est dérangeant dans cette société patriarcale une telle femme ! Voire insupportable ! C’est bien plus la position de l’homme qui fait de la femme une salope. Toutes les femmes devraient être des salopes ! Ca n’est pas elles qui doivent changer mais bien les hommes.
Une chose que je n’ai pas trouvé dans ce livre c’est une référence aux incels, ces célibataires involontaires. L’angle est plutôt porté sur les femmes et moins sur les hommes ou même les autres femmes qui jalousent ce statut. Les incels ou assimilés sont les plus frustrés et les plus enclins à dégénérer le « Salope ! », d’un ton bien sec, bien sonnant, bien détonnant, bien chargé de rancoeur. Et là, pas de poésie, pas de séduction, pas de jeu, pas de bienveillance, c’est ce ton extrême déclinable sur toutes les gammes que la salope est en danger. En fait, plus le salaud est agressif, plus il désire la salope consciemment ou inconsciemment. « Le lâcher de salopes » passera inaperçu le jour où les hommes considéreront la femme comme leur alter ego avec qui s’épanouir pleinement de cette liberté de corps et de pensées.